La remontée des taux d’intérêt, qui aura lieu tôt ou tard, entraînera un désastre pour nos finances publiques, argumente le sénateur de l’Essonne, rapporteur spécial de la charge de la dette au Sénat.
Une catastrophe financière se prépare, et personne ne veut le voir ! Les taux d’intérêt sont très faibles depuis près de sept ans, ce qui a permis à nos gouvernements d’endetter la France sans en sentir immédiatement les conséquences budgétaires. Mais à partir du moment où les taux augmenteront, notre situation financière sera plus qu’alarmante.
La faiblesse des taux d’intérêt dans presque tous les pays développés est liée à des facteurs largement externes à l’action des pouvoirs publics (politique monétaire accommodante de plusieurs banques centrales en Europe et aux États-Unis, baisse du cours des matières premières, croissance et inflation atones…). Elle ne peut pas être expliquée par la qualité de la politique budgétaire et fiscale française, bien au contraire.
Les chiffres sont là. La France doit supporter en 2017 une dette colossale qui s’élève à 2 200 milliards. Elle doit emprunter chaque année 200 milliards pour faire face à son déficit budgétaire (70 milliards) et acquitter les échéances de nos emprunts (130 milliards avec une charge de la dette actuelle de 42 milliards). Remarquons que ces pratiques sont formellement interdites pour toutes les entreprises et les collectivités territoriales qui seraient immédiatement déclarées en cessation de paiement, mais pas pour l’État, dont nul ne se soucie qu’il soit potentiellement en faillite.
Jusqu’à présent, tous nos gouvernements ont profité des facilités de l’emprunt pour financer l’État-providence et leurs dépenses de fonctionnement. Cette dette, un jour ou l’autre, nous ne serons plus capables de la rembourser. Car d’après la majorité des économistes, les taux d’intérêt vont finir par remonter, sans doute dans un futur proche. La France ne doit pas le négliger : le risque d’un mouvement de défiance de nos créanciers est bien réel. Ils ont déjà exprimé des incertitudes quant à la solidité financière du pays et de la « signature France », qu’ils jugent de moins en moins crédible. Ils gardent en tête les fausses promesses de François Hollande, qui n’a jamais tenu ses engagements sur la réduction de nos déficits budgétaires.
Rappelons que le taux d’intérêt de la dette grecque est en ce moment de 5 % en raison de la méfiance des investisseurs. Si ce taux devait s’appliquer à la France, la charge de la dette augmenterait de 10 milliards en deux ans pour atteindre 52 milliards, que nous serions bien incapables de financer.
Pourtant, la faillite est évitable. La seule façon de maîtriser notre dette et les risques qui lui sont liés serait de mener une politique résolue de réduction de nos impôts par une refonte totale de notre fiscalité. Le système actuel, marqué par un impôt sur le revenu progressif (il s’alourdit au fur et à mesure que les revenus augmentent), n’est ni juste ni efficace. Trop concentré sur quelques-uns, il décourage l’initiative et bride l’activité. Il faut le réformer et opter résolument pour une fiscalité modérée à taux constants, qui, parce qu’elle autorise la suppression de nombre de niches fiscales, permet à la fois de revenir à l’équilibre budgétaire et de relancer la dynamique économique du pays.
L’assiette devrait être celle de la CSG, pour financer à la fois la Sécurité sociale et le budget. Alors que dans beaucoup de pays une flat tax unique est en vigueur (13 % en Russie, 15 % à Singapour et à Hongkong), on pourrait appliquer en France trois taux ce qui permettrait à tous les contribuables d’être bénéficiaires. Par exemple : 0 % pour les contribuables gagnants jusqu’à 1 300 € net par mois (20 millions de Français) ; 10 % de 1 300 € à 4 000 € de revenus nets (20 millions de contribuables) ; 25 % pour les revenus supérieurs (5 millions de contribuables). La suppression de nombreuses niches (90 milliards actuellement) permettrait au gouvernement de disposer de revenus supplémentaires pour réduire les impôts sur les entreprises, sur les dividendes, sur les plus-values et sur les successions.
Une telle réforme relancera immédiatement le pouvoir d’achat, la croissance et les investissements. Les Français les plus dynamiques cesseront de fuir le pays pour partir à l’étranger. Surtout, nous pourrons enfin parvenir à l’équilibre budgétaire et éteindre ce « volcan » financier dont le premier ministre craint à juste titre qu’il nous ensevelisse.
A contrario, si le président de la République ne met pas en place l’impôt à taux constants, s’il conserve en l’état la fiscalité actuelle, quelles que soient les décisions qu’il prendra par ailleurs, il échouera comme ses prédécesseurs à redresser notre économie. Ce serait gravement dommageable pour la France.
SERGE DASSAULT.
Copyright Le Figaro, samedi 15 juillet.